Master Class Bertrand Blier, Forum des Images, Paris, 26 avril 2012.
A la question du critique et journaliste Pascal Mérigeau " Pourquoi faites-vous du
cinéma ?", Bertrand Blier, loin d'avoir la langue dans sa poche,
répond : «Parce que je me fais chier
! ».
C'est par ces quelques mots de provocation qui donnent d'emblée le ton de la soirée que débute la Master class de Bertrand Blier qui eu lieu
au Forum des Images le 26 avril dernier.
Pendant 1h30, le cinéaste irrévérencieux âgé de 73 ans a prouvé qu’il n'avait vraisemblablement rien perdu de son humour
acerbe et de sa verve légendaire.
Il est ainsi revenu sur sa carrière débutée dans les années 60 en pleine Nouvelle Vague, évoqué son célèbre père, les films dont il est le plus fier, ceux qu'il
regrette, son amour des acteurs, Depardieu et les autres...
BERNARD BLIER
Le cinema, il est tombé dedans quand il était petit à tel point que, lorsqu'on parle de Bertrand
Blier, on rajoute souvent "le Fils de Bernard". Pourtant la carrière de Bertrand n'a jamais démérité face à celle de son illustre père, acteur fétiche de Michel Audiard.
Aujourd’hui encore, il est considéré comme l'un des scénariste-dialoguiste les plus brillants du cinema français,
une figure incontournable, auteur à part entière et scénariste de la totalité de ses films ( ce qui est aujourd'hui assez rare).
Egalement homme de plume, il est l'auteur de plusieurs romans dont il adaptera certains d'entre-eux pour le cinéma ( Les Valseuses ou Beau-Père ).
Il confie hériter de ce père
bibliophile, son amour des livres, en particulier pour les séries noires de Gallimard ou d'autres lectures moins
saines que sont père prenait soin de cacher dans sa chambre d'enfant.
LES DÉBUTS
Très tôt, Blier, impose son style
et déjà, dérange et provoque, à commencer par son premier film
très controversé, Hitler connais-
pas ! Sorti en 1963, ce docu-fiction est une enquête sociologique filmée sur la jeunesse des années 60. Mère célibataire, fils d'ouvriers ou d'entrepreneurs,
lycéen, bourgeoise libérée, tous se livrent, sans tabou et sans concession, sur le
travail, l'amour, la société, la
politique ou l'avenir. Bertrand Blier signe un premier film interdit aux moins de 18 ans qui se voit retirer de la compétition à Cannes mais s’affirme d'emblée contre les modes, les non-dits,
l’art confortable et convenu.
PROVOCATION
Ses films n’ont de cesse de jeter un pavé
dans la mare du conformisme mettant en scène des marginaux âpres à vivre libre. Avec les Valseuses ou
Tenue de Soirée, il devient le maître incontesté de la provocation en signant les 2 plus gros
scandales du cinéma des années 70 et 80.
Des dialogues crus, la sexualité débridée de ses personnages cyniques et désabusés deviennent sa marque de fabrique.
Souvent jugés polémiques (voire misogynes), ses films sont, pourtant, d’une actualité et d’une modernité saisissante témoignant du monde, en prises avec leur temps, leur époque
ou leur société.
SA FIERTÉ
Avec distance et auto-analyse, il revient sur les films qui ont marqué sa carrière comme Merci la vie, sorte de Valseuses au féminin, qui reste pour lui son meilleur film et dont il est le plus fier: "Parce que je trouve le risque magnifique.
J'ai fait mon travail d'artiste. Je ne suis pas resté dans mon fauteuil à compter mes sous, je les ai dépensés. C'est ça un artiste. Personne ne pourrait le faire aujourd'hui,
même pas Carax"
SES REGRETS
Il confie aussi ses regrets et revient ainsi sur Tenue de Soirée pour lequel il reconnaît
aujourd'hui être allé
trop loin au niveau des dialogues ou Mon Homme, l'histoire d'une péripatéticienne au grand coeur, " je ne le revendique pas trop, je pense même avoir été
trop loin dans la provocation. Parfois, on va trop loin dans l'audace, dans l'impudeur".
LES ACTEURS et DEPARDIEU
Il reconnaît cependant avoir
eu beaucoup de chance, en faisant jouer les plus grands acteurs du cinéma français : « Mes dialogues ont besoin de monstres
sacrés. Ce sont des acteurs de légende qui rendent les dialogues immortels ».
Et ses films font tous la part belle aux acteurs et mettent en scène des duos devenus incontournables comme
celui composé par Depardieu et Dewaere dans Les Valseuses.
Il évoque le casting de ce film, marginal et magistral, auquel personne ne croyait au départ : " Depardieu n’était " pas assez beau" et
Patrick Deweare, quant à
lui, « trop grand pour le rôle ».
Depardieu, peu connu à l'époque est
depuis devenu un acteur indispensable au cinéma français, son acteur fétiche, sa source d'inspiration principale
avec pas moins de 8 films en commun:
"À chaque fois que j'écris un personnage c'est toujours
pour Gerard Depardieu même quand c'est une femme ou un animal ".
De Depardieu àDelon, Deweare, Carmet, Serrault, Marielle, Noiret, sans oublier son père, si tous ont répondu présent, reste un regret, ne pas avoir fait davantage de films avec Belmondo.
Aujourd'hui, il le regrette, l'homme s'éloigne de plus en plus du cinéma. Ces 3 derniers projets, "on les lui a jeté à la figure", les Côtelettes a été "un bide " en salles, son dernier film Le Bruit des glaçons a été très difficile à monter. Alors, l'homme aspire de plus en plus à faire
" des trucs de son âge, des trucs de
vieux" comme du théâtre, sa nouvelle marotte, ou encore écrire des livres, nous confiant :
"Je suis même devenu un cas d'école. Mes pièces et mes livres marchent fort mais le cinéma, ne veut plus de
moi".
Et du Blier, on en redemande! On espère seulement que l'écrivain - metteur en scène gardera cette
liberté de ton qu'on aime tant!
Lambinet Lorraine